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    Deuxième partie  

     MICHEL DE MONTAIGNE : un grand précurseur de la libération animale 

     et de la libération de la Terre 

     

     

    Les pensées de Montaigne se rapprochent de celles développées en Asie (jaïnisme et bouddhisme notamment, mais également certains courants musulmans mystiques) :


     Nous devons un certain respect et un devoir général d'humanité, non seulement envers les animaux, qui sont vivants et ont une sensibilité, mais envers les arbres et même les plantes.

    Nous devons la justice aux hommes, et la bienveillance et la douceur aux autres créatures qui peuvent les ressentir.

    Il y une sorte de relation entre nous, et des obligations mutuelles.

    Je ne crains pas d'avouer la tendresse due à ma nature si puérile qui fait que je ne peux guère refuser la fête que mon chien me fait, ou qu'il me réclame, même quand ce n'est pas le moment. »

    Le dernier passage montre bien l'ouverture nécessaire aux animaux, la discipline qu'il y a à reconnaître l'existence des animaux en tant qu'individus: c'est indéniablement révolutionnaire.

     

    Il remet d'ailleurs en cause clairement la domination sur les animaux, la prétention de l'humanité :

    « Mais quand je rencontre, parmi les opinions les plus modérées, des raisonnements qui tendent à prouver combien nous ressemblons étroitement aux animaux, combien ils participent de ce que nous considérons comme nos plus grands privilèges, et avec quelle vraisemblance on peut les comparer à nous, certes, j'en rabats beaucoup de notre présomption, et me démets volontiers de cette royauté imaginaire qu'on nous attribue sur les autres créatures. »

    Et cette conception, comme la nôtre reliant libération animale et libération de la Terre, va jusqu'à reconnaître la grandeur de « mère Nature. »

    Il refuse ainsi de critiquer les Amérindiens. Les lignes suivantes sont en conflit total avec toute la conception française de soumission totale et complète de la nature (dont le symbole est bien entendu les « jardins la française ») :

    « Et pourtant la saveur et la délicatesse de divers fruits de ces contrées, qui ne sont pas cultivés, sont excellentes pour notre goût lui-même, et soutiennent la comparaison avec ceux que nous produisons.

    Il n'est donc pas justifié de dire que l'art l'emporte sur notre grande et puissante mère Nature.

    Nous avons tellement surchargé la beauté et la richesse de ses produits par nos inventions que nous l'avons complètement étouffée.

    Et partout où elle se montre dans toute sa pureté, elle fait honte, ô combien, à nos vaines et frivoles entreprises.

         Et le lierre vient mieux de lui-même
         Et l'arbousier croît plus beau dans les lieux solitaires,
         Et les oiseaux, sans art, ont un chant plus doux,
         [Properce, I, 2, 10.] »

    Ce qui l'amène, chose formidable, à reconnaître que les humains sont des animaux, ce qui est une conception révolutionnaire à son époque, alors que la religion prédomine totalement, mais même aujourd'hui!

    « La manière de naître, d'engendrer, de se nourrir, d'agir, de se mouvoir, de vivre et de mourir qui est celle des animaux est si proche de la nôtre que tout ce que nous ôtons aux causes qui les animent, et que nous ajoutons à notre condition pour la placer au-dessus de la leur ne peut relever d'une vision raisonnée.

    Comme règle pour notre santé, les médecins nous proposent en exemple la façon de vivre des animaux, car ce mot a été de tout temps dans la bouche du peuple :

         Tenez chauds les pieds et la tête;
         Au demeurant, vivez en bêtes. »


    D'ailleurs, quand il critique les philosophes, qui méprisent les animaux, on voit évidemment la formidable actualité, l'énorme force de celle-ci aujourd'hui encore :


    « Chrysippe était aussi méprisant que tout autre philosophe en ce qui concerne la condition des animaux. Mais il avait observé à un carrefour de trois chemins les mouvements d'un chien à la recherche de son maître égaré ou poursuivant une proie qui fuyait devant lui.

    L'ayant vu essayer un chemin après l'autre et, après s'être assuré qu'aucun des deux premiers ne portait la trace de ce qu'il cherchait, s'élancer dans le troisième sans hésiter, il fut contraint de reconnaître qu'en ce chien-là s'était opéré un raisonnement du genre : « J'ai suivi mon maître jusqu'à ce carrefour, il faut nécessairement qu'il ait pris l'un de ces trois chemins ; puisque ce n'est pas celui-ci, ni celui-là, il faut donc forcément qu'il soit passé par le troisième. »

    Fondant sa certitude sur ce raisonnement, le chien n'a plus besoin alors de son flair pour le troisième chemin et n'y fait plus d'enquête, il s'en remet à la raison.

    Cette attitude proprement dialecticienne, cet usage de propositions divisées puis reconstruites, l'énumération complète des termes suffisant à entraîner la conclusion - ne vaut-il pas mieux dire que le chien tire cela de lui-même plutôt que de Georges de Trébizonde ? »

     

    Et Montaigne ne fait pas les choses à moitié, reconnaissant le caractère formidable des animaux :


    « Nous voyons bien dans la plupart de leurs ouvrages à quel point les animaux sont supérieurs à nous, et combien notre artisanat peine à les imiter.


    Nous pouvons toutefois observer dans nos travaux, même les plus grossiers, les facultés que nous y employons, et comment notre âme s'y implique de toutes ses forces. Pourquoi en serait-il autrement chez eux ?

    Pourquoi attribuer à je ne sais quelle disposition naturelle et servile les ouvrages qui surpassent tout ce que nous parvenons à faire, que ce soit naturellement ou par le moyen de l'art?

    En cela d'ailleurs, nous leur reconnaissons un très grand avantage sur nous, puisque la nature, avec une douceur maternelle, les accompagne et les guide, comme si elle les prenait par la main, dans toutes les actions et les agréments de leur vie, alors qu'elle nous abandonne, nous, au hasard et au destin, contraints que nous sommes alors d'inventer les choses nécessaires à notre conservation ;
    et qu'elle nous refuse parfois les moyens de parvenir par quelque organisation et effort de l'esprit que ce soit, à l'habileté naturelle qui est celle des animaux : leur stupidité de bêtes surpasse très facilement pour toutes les choses utiles, tout ce dont est capable notre divine intelligence. »


    Nous avons vu qu'il considérait que les animaux pouvaient parler, à leur manière.

    Thèse vraie et tellement en avance sur son temps, alors qu'aujourd'hui même cela est encore très largement incompris, en raison de la domination de la thèse de l'animal-machine !

    Voici une belle citation du (non moins formidable) Lucrèce, que Montaigne cite :


    « Les divers oiseaux ont des chants différents
         Selon le temps et certains font varier leur chant rauque
         en fonction de l'atmosphère...
         [Lucrèce, V, vv. 1078, 1081 et 1083-84] »

     

    Et cela laisse présager le futur, car Montaigne annonce inévitablement l'avenir: une nouvelle communication existera... Avec les animaux!

    Telle est la quête de l'humanité: comprendre la nature de sa planète.
    « Pourquoi les animaux ne se parleraient-ils pas entre eux, puisqu'ils nous parlent, et que nous leur parlons? De combien de façons parlons-nous à nos chiens! Et ils nous répondent !... Nous conversons avec eux en usant d'un autre langage et d'autres mots que nous ne le faisons pour les oiseaux, les pourceaux, les boeufs, les chevaux : nous changeons d'idiome selon les espèces auxquelles nous nous adressons.

     Montaigne est un formidable précurseur qui défend la TERRE d'abord !

     

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